Quatre ans après son adoption, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) n’a pas atteint son principal objectif de réduire de 15% les déchets ménagers d’ici 2030 par rapport à 2010. Au contraire, ces déchets ont continué d’augmenter, passant à 611 kg par habitant en 2021 selon l’ADEME, très loin de l’objectif fixé à 502 kg. Un constat d’échec cuisant pour ce texte pionnier mais vidé de sa substance par le lobbying intense des industriels.
Des mesures phares contournées ou ignorées
De nombreuses dispositions clés de la loi ont été affaiblies, contournées voire totalement ignorées par les acteurs économiques. L’interdiction de vente des fruits et légumes sous plastique a ainsi été assortie de 29 exemptions, comme pour les champignons, endives, carottes et pommes de terre primeurs, sans justification avérée du risque de détérioration.
Les fonds destinés à financer les bonus réparation, censés inciter les Français à faire réparer leurs appareils plutôt que d’en acheter des neufs, ont également été revus à la baisse sous la pression des industriels de l’électronique et de l’électroménager.
« On constate un réel décalage entre les annonces de la loi et la réalité sur le terrain », déplore Axèle Gibert de France Nature Environnement, citant la présence persistante de nombreux produits en plastique à usage unique pourtant interdits dans les commerces, la restauration et la vente en ligne.
Manque de contrôles et de sanctions dissuasives
Le non-respect flagrant de certaines obligations comme la mise à disposition de vaisselle réemployable dans la restauration ou l’installation de points d’eau dans les établissements recevant du public (ERP) est également pointé du doigt par les associations.
« Faute de contrôles et de sanctions effectives, les associations constatent un non-respect récurrent de la loi, remettant en cause des objectifs majeurs comme la réduction de 50% des bouteilles plastiques d’ici 2030 », s’indigne Muriel Papin de No Plastic In My Sea.
Bénédicte Kjaer Kahlat de Zero Waste France dénonce de son côté le « véritable retour en arrière » opéré par le gouvernement sur les fonds réparation, un décret ayant considérablement réduit les bonus censés favoriser la réparation plutôt que l’achat de produits neufs, une décision contestée devant le Conseil d’État.
Échec à impulser un changement de modèle
Au-delà des dispositions détournées, la loi AGEC n’est pas parvenue à impulser un véritable changement de paradigme vers une société plus sobre en ressources et déchets. L’objectif de généraliser la réutilisation des emballages n’a pas été atteint, ceux à usage unique restant largement la norme malgré l’interdiction affichée.
De même, l’interdiction de détruire les invendus alimentaires consommables, pourtant inscrite dans la loi, n’a pas été concrétisée faute de décrets d’application. Des tonnes de produits parfaitement comestibles continuent ainsi d’être gaspillées chaque année.
Enfin, la loi n’a pas permis d’assurer une réelle transparence pour les consommateurs sur l’impact environnemental des produits, l’affichage restant très limité et ne permettant pas d’orienter les achats vers des biens plus durables.
Appel à des trajectoires contraignantes de « demitarisation »
Face à ces lacunes, les associations réclament désormais l’adoption urgente de trajectoires contraignantes de réduction des biens mis sur le marché, filière par filière, en accord avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C.
« Mieux produire aujourd’hui, c’est surtout moins produire. Nous appelons à des outils pénalisant les pratiques de surproduction comme le suremballage ou la fast-fashion », martèle Pierre Condamine des Amis de la Terre. L’objectif est de forcer une véritable « demitarisation » de la production industrielle, c’est-à-dire une diminution drastique des quantités de biens mis sur le marché, seul moyen selon les associations de réduire significativement les déchets à la source.
Renforcer la loi avec de réels moyens de contrôle
Pour y parvenir, les associations demandent au gouvernement de compléter la loi AGEC par de nouvelles dispositions ambitieuses, accompagnées cette fois de réels moyens de contrôle et de sanctions dissuasives en cas de non-respect par les industriels.
« Les entreprises ont eu toute latitude pour contourner la loi faute de volonté politique pour en garantir l’application », regrette Charlotte Soulary de Zero Waste France. « On n’a pourtant pas le luxe de gaspiller davantage de temps face à l’urgence environnementale. »
Les associations appellent ainsi les pouvoirs publics à passer à la vitesse supérieure pour véritablement encadrer et réduire la production de déchets, plutôt que de se cantonner à en améliorer la gestion en bout de chaîne.
Bénédicte Kjaer Kahlat conclut : « Après l’échec de la loi AGEC à impulser les changements promis, il est impératif d’accélérer la transition vers une économie réellement circulaire et sobre, sous peine de subir de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique et de l’épuisement des ressources. »
CircularPlace
Notre mission est de faire de l’économie circulaire le 1er choix des entreprises. CircularPlace accompagne les entreprises dans leurs démarches RSE au travers de la cession, du don et de l’échange de ressources tels que des équipements, des matières premières et des produits finis. CircularPlace édite des plateformes SaaS qui s’intègrent dans l’écosystème numérique de ses clients. CircularPlace aide les entreprises à économiser les coûts d’achats, augmenter leur CA et se mettre en conformité avec la loi.
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